Le Directeur de la Division de la technologie, du changement climatique et de la gestion des ressources naturelles, à la Commission économique pour l’Afrique (CEA), Jean-Paul Adam, déclare aux journalistes lors d’une conférence de presse virtuelle, le 10 juin 2020, que l’Afrique contribue moins de 1% à l’économie numérique mondiale, qui représente environ 15% du PIB mondial.
Il dit que le continent a besoin d’environ 100 milliards de dollars pour mettre à disposition un accès Internet universel, abordable et de bonne qualité d’ici 2030 (selon la Banque mondiale). Actuellement, seulement 17,8% des ménages en Afrique ont Internet à la maison et le continent ne représente que 21% des utilisateurs d’Internet dans le monde.
On estime que plus de 250 millions d’écoliers en Afrique ont été affectés par le COVID-19 et la plupart d’entre eux n’ont pas les outils numériques pour poursuivre leurs cours en ligne.
« Ceci est très préoccupant et transmet un message fort selon lequel la connectivité à large bande est absolument cruciale pour les établissements d’enseignement et les entreprises afin de continuer à fournir des services essentiels », indique M. Adam, ajoutant que « un internet à haut débit et fiable est essentiel pour garantir que les hôpitaux et les établissements et les institutions médicaux puissent accéder au réseau mondial d’information et aux ressources nécessaires pour lutter contre le COVID-19 ».
Il cite l’accessibilité financière comme l’un des plus grands obstacles à l’accès à Internet en Afrique, déclarant que « le coût moyen de 1 Go de données sur le continent représente 7,12% du revenu moyen, certains pays ayant des taux pouvant atteindre 20%, ce qui est bien au-dessus du 1 à 2% jugés abordables ».
En termes de bande passante, M. Adam affirme que de nombreux pays africains ont encore une bande passante aussi faible que 64 kilo-octets. Il note que « dans certaines situations, les bandes passantes pour un pays entier sont inférieures à celles dont dispose un abonné résidentiel individuel aux États-Unis ».
« Les données montrent que le téléchargement d’un film de 5 Go a duré 734 minutes en République démocratique du Congo, 788 minutes à Sao Tomé, 850 minutes en Éthiopie, 965 minutes au Niger, 1 342 minutes en Guinée équatoriale et seulement environ 11 minutes et 8 secondes à Singapour, », révèle M. Adam.
Aux problèmes d’accès et de bande passante s’ajoute ce que M. Adam qualifie de « écart numérique entre les sexes déplorable en Afrique »’ avec un taux de pénétration d’Internet de 33,8% pour les hommes et de seulement 22,6% pour les femmes en 2019.
Malgré la connectivité limitée à travers le continent (avec près de 40% de la population en ligne), M. Adam déclare que la réponse du numérique face au COVID-19 est excellente.
Il cite comme exemple l’application de traçage du COVID-19 au Ghana, qui retrace les contacts des personnes infectées par le virus et montre où leurs déplacements récents grâce à diverses données téléphoniques. Ces personnes sont ensuite mises en relation avec des professionnels de la santé pour des actions urgentes à entreprendre.
Un autre exemple positif est celui du Nigéria où une entreprise de TIC a créé un outil de triage du COVID-19, un outil en ligne gratuit pour aider les utilisateurs à auto-évaluer leur catégorie de risques de coronavirus en fonction de leurs symptômes et de leurs antécédents face à la maladie.
M. Adam souligne qu’au fur et à mesure que le monde accélère la mise en œuvre des technologies numériques pour accélérer les activités socio-économiques en raison d’un ralentissement provoqué par le COVID-19, il est nécessaire qu’une action gouvernementale concertée en partenariat avec le secteur privé et d’autres parties prenantes soit en mesure de réaliser l’universalité, l’accès à large bande abordable et de haute qualité.
« Alors que le secteur privé peut mener des initiatives en matière de large bande, le gouvernement peut jouer un rôle crucial en mettant en œuvre une réglementation sectorielle efficace, en remédiant aux défaillances potentielles du marché et en créant les conditions d’un secteur du large bande ouvert et compétitif ».
Alors que l’Afrique s’efforce de s’adapter à la quatrième révolution industrielle tout en modernisant et en élargissant sa base de fabrication et son intégration économique et commerciale à travers la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA), M. Adam déclare : « Nous devons exploiter le potentiel des technologies nouvelles et émergentes y compris les méga données, l’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique… ».
M. Adam est optimiste quant au fait que la ZLECA offre une passerelle vers l’avenir en temps opportun, en particulier compte tenu des conséquences de la pandémie de COVID-19 sur la chaîne d’approvisionnement mondiale.
SOURCE Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique